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la forte odeur de varech qui entrait par la portière.

Une fine vapeur blanche montait de l’eau sous le soleil déjà brillant. Lucette admira le village du Bic, avec sa bordure étrange d’îles rondes et vertes. Après Rimouski, elle vit descendre vers l’océan un grand paquebot. Des collines s’avançaient vers le fleuve comme des bêtes énormes.

Le train s’enfonça dans les terres et la forte senteur des résineux se substitua à l’odeur du goémon. La voie courait entre les montagnes, au bord de la rivière Matapédia rapide, claire sur son lit de cailloux, et qui parfois s’élargissait en lac. Çà et là, un moulin gris se dressait ; des piles de planches embaumaient.

Lucette, du balcon observatoire, regardait. Elle avait encore dans le souvenir les rues brûlantes de la grande ville, les maisons tassées, poudreuses, les arbres clairsemés, maigres et poussiéreux, et elle ressentait jusqu’au plus profond de l’âme la beauté de cette campagne, la joie de respirer cet air pur.

Le « noir » vint annoncer le déjeuner. Lucette, suivant sa marraine entra dans la salle à manger, la tête haute, souriant avec une inconsciente assurance nouvelle. Son enthousiasme s’alimentait de tout. À travers les larges fenêtres elle apercevait les champs déserts et sauvages : de