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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/79

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tour d’une longue table se groupaient les pensionnaires ; quelques jeunes filles, d’autres moins jeunes, cinq ou six hommes, et sa tante, en uniforme, l’air professionnel.

Le voisin de Lucette était père d’une famille de huit enfants ; il avait à peine trente-cinq ans. Amusant, moqueur, gai, sa maladie semblait une fable. Il confia plus tard à Lucette à quel point il souffrait de tenir ce rôle égoïste : vivre confortablement au Sanatorium, pendant qu’à Montréal, sa femme veillait sur les enfants. Elle avait de l’aide, mais ne prenait jamais de véritable repos, ne quittait jamais sa tâche un seul moment. Lucette médita sur le mariage : l’homme pouvait s’évader : la femme demeurait liée par les bras des petits.

Sauf Vincent Le Tellier, le jeune homme roux qui boitait, et un garçon brun, sauvage, timide à l’excès, Louis Lacasse, — qu’une épaule trop haute déformait. — aucun autre pensionnaire de la maison ne paraissait malade. L’interne prodiguait ses compliments à une jeune fille souffrant, malgré la parfaite fraîcheur de son teint, d’une invisible coxalgie. On taquinait en chœur un couple irlandais, amusant contraste, par l’opposition des caractères : lui, rond, rougeaud, irascible et grognon : elle, pâle, maigre, avenante et gaie.