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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/88

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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

Le lendemain, dans la matinée, un gamin vint porter à Nicole, de la part d’Alain, un livre accompagné d’une lettre. Une jeune fille s’exclama :

— Il est piqué, votre admirateur. Vous écrire, quand il vous a vue hier et vous verra tout à l’heure…

Nicole rougit. Elle ressentait un secret plaisir à examiner l’écriture ferme, à l’analyser, à lire les deux pages un peu étranges qu’il lui adressait. Elle se répétait : « Mais il est fou ! » Et tout de même, elle songeait avec émoi à l’insistance des regards du jeune homme posés sur elle.

Alain était fou, en effet. Tous les jours, il vint. Tous deux tournaient en canot au large du lac ; ils ne sentaient pas le soleil brûlant. Ils parlaient, ils exploraient leurs âmes et leurs esprits avec ivresse ; de leur être intime, ils extrayaient souvenirs, pensées, émotions. Alain et Nicole discutaient aussi les livres qu’ils venaient de lire, la littérature canadienne, le nationalisme. Avec cette ardeur de leurs jeunes opinions, ils espéraient bien changer la face du monde.

Le matin du départ, Nicole s’attendait à voir Alain à la gare : il viendrait lui dire au revoir. Elle l’aperçut avec ses bagages. Lui aussi retournait à la ville. Mais Nicole regrettait déjà son lac, la forêt, le canotage ; et triste de partir,