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Page:LeNormand - La plus belle chose du monde, 1937.djvu/94

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Car, ce soir déjà lointain, elle lui avait dit tout juste bonsoir, ne l’avait pas invité quand il l’avait quittée à sa porte.

Mais une fois dans sa chambre, son sentiment s’était brusquement modifié. Un instant éperdue, elle avait pensé : si tout était fini. Poussée par une subite angoisse, elle lui avait écrit sur l’heure.

Le lendemain, il veillait avec elle et lui disait :

— Ma résolution était prise, vous l’avez bien senti. Je ne serais pas venu. Trop souvent vous m’avez donné l’impression de n’avoir aucune amitié pour moi. Comment pouvez-vous afficher des airs si détachés, si indifférents ?

— Je suis un peu maladroite ; je suis trop habituée à être seule. J’aime à être seule. Je n’ai que de rares amies. Il ne m’en faut pas plus.

— Vous n’avez pas besoin de moi ?

— Je n’avais pas besoin de vous.

Ce temps du verbe, elle hésita avant de l’employer, elle descendit au fond d’elle-même pour l’arracher, lui semblait-il, avec effort ; c’était une trahison, un abandon, une renonciation, c’était une fin ; mais c’était aussi un commencement.

— Alors ?

— J’ai dit : je n’avais pas ; comprenez-vous ?

Je n’avais pas… Elle égrenait ces mots avec une espèce de rage, comme si elle piétinait quelque chose de cher.