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Page:Lumbroso - Souvenirs sur Maupassant, 1905.djvu/151

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quelque chambre de rêve aux murs de ténèbres qui se distendaient suivant les oscillations de la flamme. Mme de Maupassant était étendue dans son lit, atteinte d’une maladie de cœur ; elle se levait rarement. On devinait plutôt qu’on ne voyait ses traits encore fort beaux. Des bandeaux de cheveux souples et blancs encadraient le front intelligent.

« Je revins souvent ; une sympathie première se transforma, de part et d’autre, en profonde affection. Mme de Maupassant parlait d’une voix d’abord basse, comme enveloppée de crêpes, qui peu à peu s’animait quand elle évoquait le souvenir de son fils. Parfois, voulant montrer une relique, elle appelait sa femme de chambre :

« "Apportez-moi tel portrait, tel livre de M. Guy". M. Guy : ces deux petits mots montraient que l’enfant gardait sa place au foyer maternel.

« Dans un secrétaire se rangeaient des lettres de Guy dont, parfois, la mère lisait quelque passage. Ces lettres éloquentes révélaient une tendresse filiale ardente.

« La vie de Mme de Maupassant s’écoulait toute prise par le cher passé. Son intelligence restait intacte. Elle s’occupait de l’œuvre de son fils ; pas une étude sur lui ne paraissait sans qu’elle ne se la fît lire. Ce fut elle qui décida la publication de ces recueils posthumes Le Père Milon, Le Colporteur, survie d’un artiste merveilleux : s’il était impossible d’augmenter la gloire de Maupassant, du moins elle sut lui conserver son intégrité.

« De rares élus pénétraient chez elle. Sa belle-fille, Mme Hervé de Maupassant, et sa petite-fille Simone ;