Aller au contenu

Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
CHRONIQUES

d’être enfin hommes politiques par plaisir, comme ils seront demain cochers amateurs, et de conduire chacun à son tour dans la voie de son rêve, le mail de l’État. Ils connaîtront les joies de l’homme politique, celles de l’acteur aussi qui, bourgeois paisible ce matin, sera, ce soir, au Châtelet, général en chef, mais sans armée, éloquent et inobéi, qui piquera fièrement les flancs d’un cheval de cirque avec des éperons en papier d’argent. Mais dans une assemblée parlementaire fictive, la part d’illusion qui entre forcément dans ce pouvoir de chacun et dans la joie de tous, se tourne aisément en symbole, et le spectateur impartial qui entend proposer par un gouvernement sans réalité, voit voter par une Chambre chimérique des lois que personne ne songe à exécuter, se demande s’il ne s’est pas trompé de porte et s’il n’est pas en face du vrai Parlement. Et de l’excès du rêve, du débordement de l’impossible, naît une très suffisante réalité.