Page:Marcel Proust - Chroniques, éd. 1936.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
CRITIQUE LITTÉRAIRE

eaux, qui n’y prennent une beauté précieuse, et pour les fleurs elles-mêmes, celles qui m’y passionnent le plus sont ces variétés rares qu’a l’intersection des allées on aperçoit contenues dans « des vases de faïences peintes d’emblèmes et de devises pharmaceutiques, avec des serpents aux anses ». Rien, au contraire, ne semble d’abord plus près de la nature que le divin jardin de Francis Jammes, de toute façon un vrai jardin du Paradis, puisque le poète lui-même nous en a dit, de ce jardin, qu’il était au Paradis semblable exactement à ce qu’il est sur la terre : à la même place, pas bien loin de la plaque en fonte bleue qui indique : « Castétis à Balansun, cinq kilomètres », entouré de prairies « dont |’émail sertit des lacs de saphir et que bornent les glaçons bleus des Pyrénées », plein de lis communs, de grenadiers, de choux, avec les deux petits chats gris qu’il a le plus aimés sur la terre, et ce laurier dont les enfants viennent au jour des Rameaux, cueillir une branche à laquelle ils enfilent des oranges, des dragées, des fleurs en papier et des oiseaux en pain d’épice. Mais la beauté des fleurs n’y semble pas toujours suffire au poète. Il y ajoute la dignité que leur donne d’avoir paru dans l’Écriture et d’avoir été préférées par Dieu. Et lui aussi fait de la botanique. Il sème des oxalis pour étudier le sommeil des végétaux, et sa botanique tourne vite a la théologie, a l’astrologie, à des systèmes du monde, d’ailleurs de parti pris très simples, comme chez son vieux Jean de La Fontaine :

Dieu fait bien ce qu’il fait ; sans en chercher la preuve,
Dans le papillon aurore je la treuve.

Enfin, si grâce a la protection de M. Jean Baugnies