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Page:Maupassant - Conte de la bécasse, 1906.djvu/282

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saint-antoine

augmentant leur ivresse, et Saint-Antoine, mécontent de n’avoir pas triomphé, s’amusait à pousser l’épaule de son cochon pour le faire culbuter dans le fossé. L’autre évitait les attaques par des retraites ; et, chaque fois, il prononçait quelques mots allemands sur un ton irrité qui faisait rire aux éclats le paysan. À la fin, le Prussien se fâcha ; et juste au moment où Antoine lui lançait une nouvelle bourrade, il répondit par un coup de poing terrible qui fit chanceler le colosse.

Alors, enflammé d’eau-de-vie, le vieux saisit l’homme à bras le corps, le secoua quelques secondes comme il eût fait d’un petit enfant, et il le lança à toute volée de l’autre côté du chemin. Puis, content de cette exécution, il croisa ses bras pour rire de nouveau.

Mais le soldat se releva vivement, nu-tête, son casque ayant roulé, et, dégainant son sabre, il se précipita sur le père Antoine.

Quand il vit cela, le paysan saisit son fouet par le milieu, son grand fouet de houx, droit, fort et souple comme un nerf de bœuf.

Le Prussien arriva, le front baissé, l’arme en