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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/102

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LES RESSUSCITÉS

voile. Le voile ! chaste invention, nuage tissé, estompe idéale, qui irrite justement assez pour fixer le désir, raillerie pudique, réalité enveloppée de rêve, qui tend à faire de la femme une création mieux qu’humaine et presque mystérieuse. Toute l’histoire de madame Récamier n’est-elle pas dans ce voile ? Le voile ne nous dit-il pas sa vie reposée, sa beauté blanche ?

En 1800, madame Récamier, qui avait alors dix-huit ans, habitait le grand château de Clichy-la-Garenne, qui fut détruit par la bande noire. « À cette époque, dit l’auteur des Salons d e Paris, il est impossible, à moins de l’avoir vue, de se faire une idée de sa fraîcheur d’Hébé. C’était une création à part que madame Récamier, à cet âge de dix-huit ans, et jamais je n’ai retrouvé, ni en Italie, ni en Espagne, ce pays si riche en beautés, ni en Allemagne, ni en Suisse, la terre classique des joues aux feuilles de rose, jamais je n’ai retrouvé le portrait de madame Récamier, la plus jolie femme de l’Europe ! » Rien ne manquait d’ailleurs à son éducation ; elle touchait admirablement du piano et dansait à merveille en s’accompagnant du tambour de