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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/73

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CHATEAUBRIAND

attendri. Nous nous en voudrions de ne pas reproduire ce passage sur les correspondances d’amour, vrai, ému, pris sur nature, et qui est autant en dehors de son style habituel que les Martyrs, par exemple, le sont du style de madame de Sévigné :

« D’abord les lettres sont longues, vives, multipliées, le jour n’y suffit pas, on écrit au coucher du soleil ; on trace quelques mots au clair de la lune, chargeant la lumière chaste, silencieuse, discrète, de couvrir de sa pudeur mille désirs. On s’est quitté à l’aube ; à l’aube on épie la première clarté pour écrire ce que l’on croit avoir oublié de dire dans des heures de délices. Mille serments couvrent le papier où se reflètent les roses de l’aurore ; mille baisers sont déposés sur les mots brûlants qui semblent naître du premier regard du soleil. Pas une idée, une image, une rêverie, un accident, une inquiétude qui n’ait sa lettre.

« Voici qu’un matin quelque chose de presque insensible se glisse sur la beauté de cette passion, comme une première ride sur le front d’une femme adorée. Le souffle et le parfum de l’amour expirent dans ces pages de la jeunesse, comme une brise s’alanguit le soir sur