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LES RESSUSCITÉS

des fleurs : on s’en aperçoit, et l’on ne veut pas se l’avouer. Les lettres s’abrègent, diminuent en nombre, se remplissent de nouvelles, de descriptions, de choses étrangères ; quelques-unes ont retardé, mais on est moins inquiet ; sûr d’aimer et d’être aimé, on est devenu raisonnable, on ne gronde plus, on se soumet à l’absence. Les serments vont toujours leur train ; ce sont toujours les mêmes mots, mais ils sont morts : l’âme y manque. Je vous aime n’est plus là qu’une expression d’habitude, un protocole obligé, le J’ai l’honneur d’être de toute lettre d’amour. Peu à peu le style se glace ou s’arrête. Le jour de poste n’est plus impatiemment attendu, il est redouté ; écrire devient une fatigue. On rougit en pensée des folies que l’on a confiées au papier, on voudrait pouvoir retirer ses lettres et les jeter au feu. Qu’est-il survenu ? Est-ce un nouvel attachement qui commence, ou un vieil attachement qui finit ? N’importe ; c’est l’amour qui meurt avant l’objet aimé. »