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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/89

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TANTE GERTRUDE

— Monsieur Bernard, ma visite doit vous paraître bien étrange, dit-elle, en le regardant de ses yeux francs et clairs, mais je voudrais vous consulter au sujet de… notre amie Mme Paule.

Et d’une voix un peu tremblante, elle raconta tout ce qu’elle venait d’apprendre. Elle montra la situation pénible de la jeune femme, ses embarras financiers ; elle fit une peinture émue de son abandon, de son isolement, de cet intérieur désolé qu’elle avait toujours devant les yeux… Ce fut avec des larmes qu’elle ne prenait même pas la peine de dissimuler qu’elle lui exprima sa douleur au récit des souffrances morales de la pauvre Paulette, naïve comme une enfant, ne sachant rien de la vie, ne comprenant pas la nécessité des privations dans la gêne, faisant dettes sur dettes, sans même s’en douter.

Jean Bernard, si troublé qu’il n’osait relever la tête, écoutait dans un morne silence la description de la sombre misère dans laquelle se débattait cette Paule qu’il aimait plus que tout au monde…

À la question éplorée de l’orpheline : « Monsieur Bernard, que faire ? Comment la tirer de là ! » il tressaillit brusquement, comme quelqu’un qui s’éveille, et passa lentement sa main sur ses yeux humides.

— Je suis venue à vous tout de suite, continua doucement Thérèse, parce que je sais l’aff… la sympathie que vous inspire notre pauvre amie. À qui aurais-je confié tout cela, d’ailleurs ? Je ne connais personne que vous.

— Je vous remercie, dit Jean, en prenant une des mains de la jeune fille qu’il serra dans les siennes. Vous avez bien fait : je parlerai à Mlle de Neufmoulins aujourd’hui même.

— Mon Dieu ! murmura Thérèse ; et Paulette qui voudrait que sa tante ne se doutât même pas de sa détresse !

— Ce n’est pas possible, répondit le régisseur ; il n’y a que Mlle Gertrude qui puisse la tirer d’embarras. Et il n’y a pas à hésiter, le temps presse, puisque les créanciers menacent de tous côtés ; aussi vais-je de ce pas au château.

— Comment y serez-vous reçu ? Que va dire