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SABBAT

Allez, navigateur ! Hissez la voile et commandez la proue : votre voyage éternel se fait dans mon cœur, et, partout, dans vos temples, qu’ils soient sous la puissance du dragon ou de l’acanthe, je grave le sens de ma figure.

Quand tu t’approches de moi — ô Invisible ! — c’est, dans mon âme, la palpitation légère et désespérée d’un papillon qui meurt en battant des ailes, et toi qui n’es jamais là, que de fois tu m’étends à terre comme une épaisseur de feuilles sèches qui sentent les soleils éteints, et tu te couches sur ce lit de berger en soupirant !

Chez les fruitiers qui vendent de l’automne, dans l’odeur sucrée des corbeilles débordantes, je choisis le raisin en pensant à tes paroles pleines et sobres que tu me donnes, grain par grain. Je choisis la pomme en me disant que, parfois, ton esprit me résiste, mais que je le mords quand même, que je l’entame dans sa pulpe la plus parfumée. Je choisis la poire dont les durs pépins noirs, au fond de la chair ruisselante, me font songer à ta substance la plus concentrée, la plus jalouse d’elle-même.

Enchantements !

Je ne souhaite de toi que ton reflux. C’est lorsque tu t’éloignes que ton cœur roule à mes