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SABBAT

sépultures que leurs morts légers quittèrent, portant leur cendre précieuse dans l’urne élyséenne.

Où sont tes singes aériens qui, de liane en liane, se jettent le cœur de la forêt ? Chut ! Je suis la forêt.

J’ai un mot familier : « Ailleurs ! Ailleurs !… » Eh bien ! j’entends par là que je ne suis pas pour toi, ni pour les autres, ni pour aucune des réalités de ce monde transitoire.

« Ailleurs », c’est, pour moi, le pays de feuilles et de ténèbres chaudes où pleut l’extase en gouttes d’or… Le rivage où les vents deviennent furieux et lyriques à écouter les promesses des voyages… Cet Âge d’or éblouissant où le rhinocéros surgit des hautes herbes marécageuses et m’aborde, sobre et paré comme un sage chargé des secrets primitifs.

« Ailleurs », c’est pour moi, ces étonnantes prisons pleines de glaives captifs et de joyaux crucifiés… C’est ce monde inouï où j’entends les voix du sang, de la pensée, des morts, de la passion terrible qu’aucune faim humaine n’a dévorée, encore…

Mais tu ne comprends pas.

Sache seulement, qu’ « ailleurs » est à moi quand la nuit, autour de mon repos, exalte l’éternité des choses, et que la goutte d’or qui s’écrase sur mon front, que le vent qui bat ma robe et veut partir, que le salut du pachy-