Raoule reprit douloureusement :
— Amoureux fou ! Oui ! Déjà, je prétends élever un autel à mon idole, quand j’ai l’assurance de ne jamais être compris !… Hélas ! une passion contre nature qui est en même temps un véritable amour peut-elle devenir autre chose qu’une affreuse folie ?…
— Raoule, dit le baron de Raittolbe avec effusion, je suis persuadé, certainement, que vous êtes folle. Mais j’espère vous guérir. Racontez-moi le reste, et apprenez-moi comment, sans imiter Sapho, vous êtes amoureux d’une jolie fille quelconque ?
Le visage pâle de Raoule s’enflamma.
— Je suis amoureux d’un homme et non pas d’une femme ! répliqua-t-elle, tandis que ses yeux assombris se détournaient des yeux brillants de l’Antinoüs. On ne m’a pas aimée assez pour que j’aie pu désirer reproduire un être à l’image de l’époux… et on ne m’a pas donné assez de jouissances pour que mon cerveau n’ait pas eu le loisir de chercher mieux…
… J’ai voulu l’impossible… je le possède… C’est-à-dire non, je ne le posséderai jamais !…