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Page:Rachilde - Monsieur Venus, Brossier, 1889.djvu/241

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monsieur vénus

tira un habit noir, le costume complet, depuis la botte vernie jusqu’au plastron brodé. Devant la glace, qui lui renvoyait l’image d’un homme beau comme tous les héros de roman que rêvent les jeunes filles, elle passa sa main, où brillait l’alliance, dans ses courts cheveux bouclés. Un rictus amer plissa ses lèvres estompées d’un imperceptible duvet brun.

— Le bonheur, ma tante, fit-elle froidement, est d’autant plus vrai qu’il est plus fou ; si Jacques ne se réveille pas du sommeil sensuel que j’ai glissé dans ses membres dociles, je serai heureuse malgré votre malédiction.

Elle s’approcha d’une portière de velours, la souleva d’un geste fébrile, et, la poitrine palpitante, s’arrêta.

Du seuil, le décor était féerique. De ce sanctuaire païen érigé au sein des splendeurs modernes, émanait un vertige subtil, incompréhensible, qui eût galvanisé n’importe quelle nature humaine. Raoule avait raison… l’amour peut naître dans tous les berceaux qu’on lui prépare.

L’ancienne chambre à coucher de Mlle de