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par elle-même, et pouvant se suffire sans le secours de l’idée, il arrivait à effacer cette faculté, son nom serait bientôt rayé de la liste des poètes. Mais nous espérons qu’un pareil malheur ne lui est pas réservé. Il est encore jeune, il possède un admirable instrument ; dès qu’il voudra se mettre à sentir et à penser, il trouvera pour toutes ses émotions, pour toutes ses idées, des paroles empressées et fidèles. En se résignant à vivre dans la société des livres ou des hommes, il comprendra de jour en jour combien les images les plus éclatantes sont peu de chose, lorsqu’elles ne traduisent pas des idées vraies ou des passions énergiques. Si au contraire il s’enferme dans une solitude obstinée, si l’étude des livres ou des hommes ne donne pas à sa poésie les qualités humaines qui lui manquent, il ne lui restera que la gloire d’avoir enseigné à ses contemporains le doigté d’un instrument pour lequel il n’a pas écrit de musique.


Gustave Planche.