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Page:Roy - L'épluchette, contes joyeux des champs, 1916.djvu/21

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L’épluchette


Du tac au tac

Depuis plusieurs jours l’atmosphère embrasée
Brûlait tout dans les champs. La campagne rasée
Par un soleil ardent, présentait un aspect
Désolant, et, pour peu que cet état suspect
Fit mine de durer, c’était la ruine sûre
Pour beaucoup de ces gens dont la vie était dure
Déjà, suffisamment. Dans cette intensité
De brasier suffoquant, l’air même était hanté
Par un cri régulier, perçant et monotone,
Poussé par le grillon, à qui seul ce feu donne
Aise et contentement. Sur le chemin du roi,
Cahotant, défoncé, qui s’allonge tout droit
Et qui passe devant la blanche maisonnette
De notre ami Gros-Jean, une vieille charrette
S’en allait lentement ; le cheval était las,
Rien ne pressait d’ailleurs, et même de ce pas
On arriverait bien. Sur la simple banquette
L’homme qui conduisait d’une main fort distraite
Se sentait alourdir et tentait vainement
De réagir. Soudain, sur un caillou heurtant —
Tel un écueil obscur que le pilote ignore —
La voiture arrêta, d’un choc brusque et sonore ;
Le voyageur surpris faillit rouler en bas
Et se casser la tête ou pour le moins un bras.