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L’épluchette

Il en est étourdi mais se remet bien vite.
Il grimpe sur son siège et le fouet qu’il agite
Au-dessus du cheval l’arrache à sa torpeur.
Les claquements suivis aussitôt lui font peur ;
Il veut fuir mais la main sûre et ferme du maître
Le maintient. C’est alors que l’homme voit paraître
Au bout de l’horizon où le firmament bleu
S’abaisse vers la terre, un gros point noir où le feu
Projette des éclats : un orage est en route
Et s’en vient à grands pas. Sa facture sans doute
Sera forte à l’excès et pour s’en préserver
Il faut avoir recours au toit qu’on peut trouver,
Sous un arbre, un hangar, remise ou remisette ;
Plus heureux qui rencontre une humble maisonnette.
Notre voyageur donc, du regard examine
La contrée adjacente et bientôt détermine
À guère plus d’un mille, au coin d’un frais bosquet
La maison de Gros-Jean ; c’est tout blanc et coquet.
Ho donc ! fouette, cocher ! augmente ton allure
Pour trouver un abri, pour toi, pour ta voiture
Et ton cheval, avant que l’écluse du ciel
Ne déverse sur vous son jet torrentiel !
Gros-Jean était chez lui. L’étranger, va sans dire,
Fut reçu, n’est-ce pas, avec un franc sourire
Et des mots gracieux ? Car nos bons campagnards
Sont très hospitaliers, déférants, pleins d’égards.
Jean prêta la main et, bientôt sous la remise
La grossière voiture en sûreté fut mise ;
Le cheval épuisé, devant un râtelier
Bien plein, à l’étable avait été convié.