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Page:Roy - L'épluchette, contes joyeux des champs, 1916.djvu/24

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L’épluchette

Et dort toute la nuit ! » — Je m’arrangerai bien.
Et qu’il s’éveille ou non, sûr, je n’entendrai rien »,
Dit Maugras, « j’ai sommeil ! » Alors, Jean se retire
Et Maugras se dévêt, baille, baille, s’étire,
Se glisse entre les draps et de suite s’endort.
Puis, règne en la maison un silence de mort !
Les heures au cartel dans la nuit noire égrènent
Leurs suaves chansons. Les ténèbres se traînent
Moins denses au matin, au petit matin, quand
Maugras ouvre les yeux, se met sur son séant.
Puis saute à bas du lit. Nicole comme un ange
Repose à poings fermés ; nul bruit ne le dérange.
L’étranger, sous le lit passe et repasse la main
Sans succès. Dans un meuble alors, il cherche en vain
Silencieusement, pressé, partout il fouille
Pour l’objet convoité, mais il revient bredouille
De cette enquête ; il voit le châssis clôt par Jean
À cause de la pluie ; il s’y rend en glissant
Sur la pointe des pieds ; c’est le salut, la vie !
Le châssis dans son cadre est gonflé par la pluie
Et ne veut pas s’ouvrir ! Maugras désespéré
Va sortir, mais le chien qui garde est libéré
De sa chaîne d’acier et dehors se promène ;
Il a des crocs aigus ; la cour est son domaine,
Et malheur à l’intrus, malheur à l’étranger
Qui là s’introduirait, il serait tôt mangé !
Maugras se retient donc, mais en lui-même, enrage !
Il souffre affreusement ; il en veut à l’orage
Qui l’a conduit ici. Tout bas il jure, il maudit
Son sort et n’en peut plus. De douleur il verdit.