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Page:Sand - Confession d une jeune fille - vol 1.djvu/299

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ma chère morte avec elle, et, deux jours après, appuyée sur le bras de Marius, je montais avec Jennie la colline des Pommets. Un petit chariot drapé de noir et traîné par des mules marchait devant nous. Nos amis de Toulon et tous les gens du pays environnant formaient le cortège. Ma grand’mère était très-aimée, et, sous les feux d’un soleil d’Afrique, tout le monde marchait recueilli et la tête nue.

L’abbé Costel nous attendait à la porte de l’église. Frumence était dans le cimetière, où, depuis vingt ans, on n’avait enterré personne. Il avait creusé la fosse lui-même, il s’en était fait un devoir. Quand on en approcha le cercueil, je le vis debout, sa bêche à la main. Ce fut la seule figure qui me frappa. Je cherchais dans ses yeux la solution de ce terrible problème du néant, contre lequel la foi peut difficilement réagir à l’heure où la dernière séparation d’avec l’être visible s’accomplit irrévocablement. Je ne vis dans les regards de Frumence qu’un profond respect et une douleur réelle, aucun signe d’amertume ou de faiblesse. Il se sentait assez fort pour accepter l’idée que quelque chose peut finir.

Moi, je ne le pouvais pas, et je regardai avec anxiété Jennie, qui semblait soigner, bénir et vouloir garder jusqu’au sein de la terre cette chère