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Page:Sand - La Filleule.djvu/236

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de moi ; contre ton cœur, les larmes ne peuvent pas être amères. Je ne te promets pas de l’oublier, tu ne l’exiges pas ; mais je te jure de m’habituer à cette séparation, et de ne sentir que davantage l’ineffable bonheur de t’appartenir. Restons ici, si tu le permets, pour veiller quelque temps sur cette pauvre petite qu’on va bien mal diriger peut-être, et qui pourra bien revenir nous demander protection contre les hasards de sa nouvelle destinée.

— Restons, ai-je dit à ma bien-aimée, le temps que tu jugeras nécessaire à cette épreuve ; mais considère ce reste de sollicitude comme un devoir que tu accomplis jusqu’au bout. Ne te flatte pas de voir l’enfant s’améliorer dans ce milieu si bien fait pour le côté dangereux de ses instincts, et surtout n’engage plus désormais contre ses volontés folles une lutte où tu serais décidément brisée ; ne t’étonne même pas de m’entendre te dire que je m’opposerais à ton zèle. Je sais que, dans le tourbillon où se lance Morenita, tu serais si fourvoyée, si étrangère, si impuissante, que ton rôle perdrait forcément de sa dignité.

— Tu sais tout mieux que moi, a répondu ma douce compagne. Je ne ferai jamais que ce que tu jugeras utile et sage.



IX

NARRATION


Morenita fut introduite et installée dans la maison du duc de Florès avec si peu de préambule, qu’en huit jours tout