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Page:Sand - La Filleule.djvu/43

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et de la nuit. L’application de cette conquête est utile, dans un petit nombre de cas, à l’agriculture et à l’industrie ; mais, dès qu’on se voue à une spécialité dans la pratique scientifique, adieu l’étude sans bornes, adieu l’observation des mystères infinis, adieu l’interminable récolte des richesses qui pullulent dans l’air et la lumière !

— Je ne serai pas entomologiste, pensais-je, car je ne pourrais pas être autre chose ; et, comme je ne peux pas tout savoir, quoi qu’en dise mon ami Roque, je veux au moins tout comprendre, selon mes moyens.

J’étudiai donc les insectes selon ma méthode, qui consistait à n’en point avoir, à saisir au vol tout ce que la fécondité des cieux faisait pleuvoir autour de moi, à connaître les lois de la vie, à sentir les prodigalités inépuisables de la beauté dans chaque être, dans chaque objet livré à mon examen, et je vécus ainsi un mois qui passa comme un jour.

Le désir de surprendre telle ou telle espèce sur certaine plante m’emporta aussi dans le domaine de la botanique. Mêmes aperçus, même entraînement et mêmes réserves ; mais dès lors, double jouissance. La plante et son parasite, beaux ou intéressants tous les deux, m’attirèrent dans les régions où certaines espèces parquent leur existence. Dans ces courses motivées, toutes les splendeurs du cadre, tous les accidents pittoresques ou instructifs du chemin me saisissaient d’autant plus qu’ils étaient le superflu de ma conquête : c’était le vase de la vie universelle qui débordait sur moi au moment où, chercheur modeste, je ne lui en demandais qu’une goutte.

Heureux jours qui m’avez créé une source d’intarissables compensations aux amertumes de la vie morale, je ne saurais trop vous rappeler à ma mémoire et vous bénir !

— Ô ma mère ! m’écriais-je quelquefois dans une extase soudaine, si, en ce moment, tu peux me voir, tu me regardes