Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/240

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père de Lucie… Mais je veux vous raconter l’aventure jusqu’au bout.

J’aurais dû me retirer, je ne l’ai pas fait, je ne l’ai pas voulu. L’abbé s’est opposé aux reproches que le général adressait à sa fille.

« Mademoiselle La Quintinie est dans son droit, a-t-il dit. Elle a même complétement raison. Elle m’avait averti de la haine que son grand-père porte aux personnes de mon état ; mais, lorsque je me suis trouvé en présence de ce vieillard, elle a exigé qu’il sût la vérité en ce qui me concerne, et ce n’est pas moi, c’est elle qui a provoqué son irritation par un louable scrupule de sincérité. M. de Turdy est souffrant. Mademoiselle Lucie s’inquiète… elle craint ma présence ; je me retire sans dépit et sans murmure.

— Non, mordieu ! s’est écrié le général, personne ne vous chassera de chez moi !

— Mademoiselle La Quintinie est chez elle, a répliqué avec affectation M. l’abbé.

Lucie. — Non, monsieur, nous sommes chez mon grand-père. »

L’abbé a salué profondément.

Le général Orgon. — « Je sortirai d’ici avec vous !…

— Restez, mon père, a dit Lucie, c’est moi qui reconduirai respectueusement M. l’abbé. Soyez assez bon pour m’attendre ; M. Valmare voudra bien vous tenir compagnie un instant. Vous êtes irrité, ne vous montrez pas ainsi. Nos hôtes se retirent, laissez les partir sans s’apercevoir de nos agitations. »

Elle a quitté la terrasse avec l’abbé, dont les yeux dilatés ont retrouvé une lueur d’espérance et de vie. Le général était abîmé dans je ne sais quelle méditation orageuse. Il s’est tourné vers moi, faisant une mine de mauvais garçon, et il m’a dit d’une voix de tonnerre :