Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/215

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est bien sûr possible de donner une description verbale de n’importe quelle situation, mais il est impossible de comprendre la description si l’on n’a pas établi au préalable une sorte de lien entre les mots et le reste du monde. Et cela ne peut se faire que par certains actes, comme par exemple des gestes, par lesquels nos mots et expressions sont mis en corrélation avec certaines expériences.

Ainsi, si je prononce une phrase et que vous me demandez ce que je veux dire (peut-être en haussant les épaules ou en me regardant d’un air absent), je devrai vous répondre en traduisant la phrase dans une langue que vous comprenez, ou, si vous ne comprenez encore aucune langue, je devrai vous en apprendre une ; et cela implique certains actes de notre part, je dois vous faire faire certaines expériences. Toute votre compréhension future se fera en vertu de ces expériences. Ainsi, toute signification est essentiellement liée à l’expérience.

Il doit être clair maintenant qu’il n’y a qu’une seule façon de donner un sens à une phrase, d’en faire une proposition : il faut indiquer les règles de son utilisation, c’est-à-dire décrire les faits qui rendront la proposition « vraie », et pouvoir les distinguer des faits qui la rendront « fausse ». En d’autres termes encore : le sens d’une proposition est la méthode de sa vérification. La question « Que signifie cette phrase ? » est identique à (a la même réponse que) la question : « Comment cette proposition est-elle vérifiée ? »

C’est l’une des erreurs les plus graves en philosophie que de penser qu’une proposition possède un sens indépendamment des moyens possibles de sa vérification. Des gens sont tombés dans une confusion désespérante parce qu’ils croyaient connaître le sens d’une phrase, et qu’ils devaient pourtant se déclarer incapables en principe de définir les circonstances dans lesquelles elle serait vraie. Tant qu’il m’est logiquement impossible d’indiquer une méthode pour vérifier la vérité ou la fausseté d’une proposition, je dois avouer que je ne sais pas ce qu’affirme réellement cette proposition.

Quand vous aurez vu cela clairement, vous ne comprendrez même plus la possibilité d’une opinion différente : vous reconnaîtrez qu’aucune opinion ne peut même être formulée sans admettre la vérité des remarques précédentes. L’opinion contenue dans ces remarques a, il est vrai, trouvé de nombreux adversaires, mais le nom même par lequel on l’appelle habituellement montre qu’elle n’a pas été bien comprise. Elle est connue sous le nom de « théorie expérimentale du sens ». Mais ce n’est pas une théorie ; il ne peut y avoir de « théorie » de la signification. Une théorie est une