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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/258

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MAROUSSIA.

« Nous aurons un grand orage ce soir, » dit le grand ataman.

Le grand ataman se trouvait sur une terrasse qui tournait de la cour au jardin ; il prononça ces mots avec une telle inquiétude, qu’un seigneur russe, son dernier hôte, homme mûr à la barbe blonde, ne put se retenir de lui en témoigner sa surprise.

« Tout chrétien doit frémir, répondit l’ataman en se signant, quand Dieu donne sa voix au tonnerre.

— Dieu, répondit le seigneur russe, nous fera sortir sains et saufs de ces orages et de tous autres. J’avoue cependant que les nuages noirs ont l’air menaçant.

— Très-menaçant, en effet », répondit l’ataman.

Ils s’avançaient avec la rapidité des navires que chasse la tempête.

Le grand ataman pressait son front de sa main, comme s’il y sentait une souffrance indicible.

La présence de son hôte, l’examen dont il se sentait l’objet de sa part, le gênaient. S’il allait lire dans ses pensées… Hélas ! hélas ! qu’y verrait-il ? Confusion, indécision, regrets amers.

Que faire ? que décider ? Pourquoi Dieu l’avait-il fait le chef de son peuple dans des conjonctures si difficiles ? Comment échapper aux serres de l’aigle russe ? et s’il fallait subir cet affront, devait-il, en montrant qu’il le subissait avec horreur, perdre jusqu’aux fruits de sa faiblesse et de sa trahison ? L’élégant envoyé