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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/161

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princesses de science

épaisse sous son caraco flottant que serrait le tablier bleu, apportait elle-même la langouste. Son embonpoint lui faisait tenir le plat en avant, presque à bras tendus ; elle le déposa sur la table, d’un air digne et offensé, en déclarant :

— J’ai voulu venir m’excuser près de Monsieur. Il paraîtrait que j’ai fait un déjeuner contraire aux goûts de Monsieur : Monsieur peut croire que j’en ai bien du regret, d’autant que Madame, dans sa contrariété, a été dure pour moi. Je ne puis pourtant pas deviner les goûts de Monsieur. Selon Madame, on m’aurait dit autrefois de ne jamais faire de langouste ni de poulet chaud, mais un ordre vous est vite parti de la tête. Monsieur Herlinge, lui, pourrait le dire : quand je servais chez les parents de Madame, jamais monsieur Herlinge n’a eu un mot à me dire sur la cuisine, si ce n’est pour un petit compliment, un jour ou l’autre. Mais aussi, là, c’était bien différent : madame Herlinge donnait tous les ordres, elle était toujours là, on savait ce qu’on avait à faire…

Guéméné l’arrêta net :

— C’est bien, Rose, la cause est entendue, n’y revenons plus.

Mais Thérèse avait rougi, comme si son honneur même eût été attaqué.

— Ces vieux domestiques sont intolérables ! dit-elle en haussant les épaules. Celle-ci, pour avoir servi dix ans chez ma mère, se croit tout permis. Il me sera impossible de la conserver.