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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/23

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princesses de science

moi seul. Je ne partagerai pas ma femme avec tout le monde… Ha ! ha ! ha ! le mari de la doctoresse, ce serait charmant !

Brutalement, il s’était levé en repoussant sa chaise, et il tournait comme un malade en fièvre autour du laboratoire exigu. Puis, tout à coup, saisissant Thérèse par les poignets :

— Vous m’échappez, je sens que vous m’échappez ! Restez-moi, Thérèse… je vous aime… pardonnez-moi ma violence. J’ai rêvé d’un tel bonheur auprès de vous, dans la traditionnelle intimité conjugale ! ne me dites pas que c’est bourgeois et démodé : ce bonheur que je souhaite, il est de tous les temps, parce qu’il est sain et naturel. La femme est faite pour la maison. Nous ne serions pas heureux, Thérèse, si vous couriez la clientèle, les cliniques, les hôpitaux, et si, au lieu d’être votre but, la famille vous devenait une entrave. Il ne faut pas manquer notre vie, bâtir notre foyer en aveugles. Je vous parais très encombré de préjugés, n’est-ce pas ? Je ne suis pas un rétrograde cependant ; je veux les femmes libérées, lucides et pensantes. J’ignore de quoi est né mon amour pour vous ; peut-être m’est-il venu de vous avoir beaucoup admirée. En tout cas, l’égalité intellectuelle qui sera entre nous me semble constituer le meilleur élément de notre bonheur. J’aime votre lumineuse pensée, j’en suis orgueilleux, mais je réclame d’en jouir seul.

Les traits un peu durcis, ses belles prunelles