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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/24

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princesses de science

limpides et glaciales revenues à leur habituelle expression, mademoiselle Herlinge méditait ardemment sa défense. Elle reprit, en apaisant l’accent de révolte qui faisait trembler sa voix :

— Pourquoi réclamez-vous de moi ce que vous auriez bien garde de me donner : la vie intégrale ? Je m’explique. Vous estimeriez — à bon droit — mes prétentions excessives, si j’exigeais de vous, en gage d’amour, l’abandon de votre carrière ? Pourtant je suis médecin au même titre que vous ; nous avons fait des études semblables ; je possède des diplômes pareils aux vôtres : vous êtes docteur, je le serai d’ici peu… Quelle différence voyez-vous entre nous ?

— J’en vois une grande : cette passion que vous cachez en vain sous votre calme, cette convoitise qu’excite en vous la profession médicale. Vos âmes sereines de cérébrales ne connaissent que cette ardeur, mais vous en êtes dévorées… et c’est nécessaire ! Sans cet appétit violent de science et de diplômes, — parfois de diplômes seulement — vous verrait-on vous transformer en êtres d’exception, vous exténuer à des études qui dépassent vos forces, affronter une vie difficile, abdiquer des traditions délicates, remonter, avec une vigueur plus que masculine, le torrent des conventions et de l’habitude ?… Combien notre zèle est moins grand ! La carrière, vers laquelle il faut qu’un goût si vif vous entraîne, s’offre naturellement aux jeunes hommes et ils y abondent. Ils peuvent ne