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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/249

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princesses de science

une seconde avant de s’y jeter. La femme et le mari restèrent longtemps enlacés, sans une caresse, sans une parole, sans une larme…

Il ne proféra jamais un reproche ; jamais il ne rappela l’allaitement mercenaire de leur enfant ni son tragique échec ; ils ne s’expliquèrent jamais sur ce sujet, mais un doute pénible continua de planer entre eux. Elle et lui regrettaient ensemble ce lait maternel qu’on avait tari, ces soins qu’elle avait refusés au pauvre bébé. Ces pensées se glissaient dans toutes leurs paroles, dans tous leurs regards. Guéméné ne cessait de dire, à propos de tout :

— Si notre pauvre Nono était là !…

Lui qui se confinait dans le présent, quand il possédait encore son bébé, lui qui faisait fi des rêves d’avenir, jouissant de cette âme nébuleuse du troisième, du cinquième mois, imaginait aujourd’hui son enfant à sept ans, à dix, à quinze, à dix-huit… Et il le pleurait comme si, d’un coup, il avait perdu des fils de tous ces âges. Il l’avouait maintenant, c’était pour cet enfant surtout qu’une ambition l’avait mordu. Et il refusait de retourner au laboratoire :

— Ah ! si mon pauvre Nono était encore là !…

Sa rancune contre Thérèse croissait. Par dignité, par pitié aussi, il lui cachait ses méditations con-