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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/303

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princesses de science

tère femme de science dont on se rappelait le portrait, pris au milieu des fioles de son laboratoire. Et le Boussard passionné qui ne rêvait plus que d’enlacer sa fière et délicate amie, paraissait toujours l’homme de marbre au physique indolent et froid.

Cette idylle, que l’âge des amants faisait grave, s’assombrissait encore, pour Boussard, d’une pensée douloureuse. Il savait que celle qu’il aimait ne lui appartenait qu’à demi. Demain son métier la reprendrait. Leurs réunions brèves dépendraient de ses devoirs professionnels. Il la visiterait comme une amante d’occasion. Elle se prêtait à lui, mais ne se donnerait jamais entièrement, avec toute la grandeur généreuse des épouses. Il resterait l’isolé, sans foyer, sans famille, privé, dans cette union précaire, de tout ce que le cœur des hommes souhaite en ses secrètes ardeurs affectives. Quand il la contemplait auprès de lui, pensive, savante, médecin comme lui, n’ignorant rien de ce que lui-même connaissait du corps humain, il souffrait dans son âme puissante, et, sous son masque de pierre, une colère bouillonnait. Il l’eût voulue timide, simple et soumise, ne sachant rien qu’aimer. Jamais, au plein du scandale de son divorce, il n’avait été si intimement triste. Ses yeux gris, sans fond, se creusaient sous l’arcade sourcilière. Parfois, quand il cheminait sur les routes de la montagne, près de cette indomptable maîtresse qui ne serait jamais sa compagne, ils croisaient Guéméné promenant l’enfant de madame Jour-