Page:Yver - Princesses de Science.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
301
princesses de science

temps. Combien de fois, en secret, Thérèse avait-elle déploré la perte de sa liberté, l’arrêt de son essor, les entraves mises à ses ambitions ! Et il ne pouvait se défaire de ce soupçon, que souvent, sous ses caresses, elle avait maudit cette passion gênante et ce mariage dont elle était la prisonnière.

Alors il redevint aussi morne que pendant les mois de célibat où il vivait seul, dans cette maison de leur amour. Octobre vint. Ce fut, dans le carrefour fluide de la rivière, l’animation du marché aux pommes : les trains qui les amenaient d’Auvergne, de Normandie, de Bretagne, les déversaient à Charenton ; la Seine les prenait là pour les charrier jusqu’à Paris.

Chaque matin, sous les fenêtres de l’île, des convois de bateaux passaient, conduits par un remorqueur sifflant et alerte dont la cheminée noire, automatiquement, saluait les ponts, un à un. Les pommes d’api joufflues et luisantes, les reinettes ridées et terreuses, les pâles canada, au teint de citron, s’entassaient au fond des chalands creux qui glissaient au ras de l’eau, pareils à de longues courges évidées. Puis, sous le quai de l’Hôtel-de-Ville, ils allaient s’aligner pour l’hiver. Il en montait, avec les buées de la saison pluvieuse, une odeur de pulpe mouillée, de paille et de pressoir qui parfumait ce coin pittoresque.

C’était la quatrième fois que Guéméné voyait reparaître ces choses immuables et menues des vieilles traditions parisiennes. Mais, chaque année,