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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/312

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princesses de science

des émotions changeantes l’occupaient, tandis que, de sa fenêtre, il contemplait le passage des pommes. D’abord, ç’avait été en pleine poésie de fiançailles que, surpris et curieux, il avait noté la vieille coutume. L’année suivante, il savait son enfant vivant en Thérèse, mais son bonheur s’attristait déjà des reproches de la jeune femme. Puis, avec un automne nouveau, les chalands parfumés de fruits étaient revenus, et ç’avait été une époque radieuse : dans sa profession, ses succès de laboratoire, le sérum antinéoplasique entrevu, possédé ; à la maison, les sourires de ce petit être avec lequel il se croyait déjà de muettes, de délicates ententes. Et, depuis, les pommes encore une fois avaient mûri aux branches des arbres lointains ; elles voyageaient maintenant le long du fleuve, arrivaient ponctuellement avec le retour de la saison, pour s’offrir au trafic annuel. Mais l’enfant n’était plus dans la maison refroidie. L’expérience lente et cruelle avait dépouillé l’épouse imprudente de son pouvoir. Guéméné sentait sa compagne lui devenir étrangère. Les choses, pour lui, n’eurent plus de poésie.

Alors il se retourna vers les laboratoires de l’École. Une frénésie de travail s’empara de lui. Il passa des heures penché sur les tables de chimie qui s’allongeaient dans les salles, devant les immenses baies vitrées que salissaient les pluies de l’hiver. Boussard lui communiqua des pièces anatomiques ; il isola de nouveau le microbe du cancer.