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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/319

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princesses de science

— J’ai vu Boussard aujourd’hui, à son laboratoire, s’écria-t-il à peine entré, je lui ai montré trois cobayes vaccinés, il y a un mois, avec ce liquide antinéoplasique que j’appelle « toxiline degré 3 ». Huit jours après la vaccination, j’avais inoculé le cancer à ces animaux, au plein d’une plaie des mamelles. Cet après-midi, Boussard a examiné la plaie cicatrisée chez tous les trois, il a constaté que leur poids, leur circulation, leur état général ne présentaient aucune des altérations prémonitoires de la tumeur maligne ; il m’a dit : « Mon cher, je crois que c’est le succès ».

— Mon pauvre ami, répondit la doctoresse incrédule, le cancer n’est justiciable que du bistouri. Tout cela est prématuré. Ton micro-organisme est un trop nouveau venu. Sa spécificité n’est nullement prouvée. Prends garde que tes procédés n’égarent les médecins tout simplement, et que les malades ne perdent, à des tentatives vaines, le temps où le salut serait encore possible par l’ablation précoce.

Et elle pensait à son principe, infiniment plus captivant par la sécurité qu’il offrait : elle parla des tumeurs utérines qu’elle soignait, du bistouri d’Artout, qu’elle mandait toujours au bon moment, et qui, tranchant savamment, faisait dans des entrailles palpitantes la « part du mal ».

Mais Guéméné se tut. Son bel enthousiasme de chercheur s’était éteint à l’accueil glacial de cette épouse que d’autres préoccupations hantaient.