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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/350

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princesses de science

très décontenancée par un discours qu’elle attendait si peu, vous n’agiriez pas comme maman le fait à mon égard ?

— Si j’avais une fille… reprit Thérèse en hésitant.

Et toute l’histoire de son mariage repassait devant ses yeux. Ses difficultés conjugales, dont avec une mauvaise foi incessante, elle n’avait pas voulu convenir, lui apparaissaient évidentes, subitement. Elle revit la mort de son bébé, les peines multiples de Fernand, la lente flétrissure de leur amour. Elle se rappela les baisers de glace, hâtifs, distraits que lui donnait son mari, son regard sans tendresse, ses sourires forcés, leurs conversations sèches, leurs nuits sans enlacements…

Et l’assurance de n’être plus aimée lui devint si précise qu’une contraction physique de son cœur lui donna une douleur insupportable, tout à coup.

— Si vous étiez ma fille, Lucie, dit-elle, très pâle, je serais bien indécise, bien troublée devant une telle vocation. Certes la médecine est une carrière magnifique, mais elle veut des femmes d’exception. Vous êtes trop jeune encore pour savoir… Tâchez d’écouter votre mère. Si vous êtes malheureuse, venez me voir, un jour, ma petite amie…

L’enfant eut un geste de désespoir :

— Personne ne me comprend !

Puis, énergique et sachant déjà se vaincre :

— Maintenant, il faut donner le bain à Julien.