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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/356

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princesses de science

— Après ce qui a été entre nous si longtemps, dit-il en choisissant, en atténuant ses expressions, il demeure entre les êtres comme une parenté indélébile, une atmosphère de souvenirs qui peut être aussi froide, aussi lugubre qu’un tombeau, mais où l’on continue de respirer ensemble. C’est la pire situation. Les simulacres de l’amour d’autrefois restent comme autant de mensonges. On s’embrasse, on se sourit, on échange des pensées, on emploie les anciens termes de tendresse, et l’on se sent brasser des choses flétries, inertes, des ombres de ce qui fut. Et, comme rien n’est cassé en apparence, il faut vivre en se contentant de cela. C’est triste comme la mort…

— On dirait, reprit la douce femme, — et sa voix s’altérait légèrement — que vous lui reprochez de ne vous avoir pas fait subir de plus cruels chagrins.

— Peut-être…

— Comme vous êtes inconséquent !

— Non, je suis logique. Si elle avait été foncièrement coupable, je me serais repris, sans remords ; j’aurais refait mon nid… ailleurs.

Il se tut. Elle reprit son aiguille fébrilement, et piqua la batiste d’un geste saccadé. Ils étaient aussi émus l’un que l’autre, et leurs yeux avaient beau se fuir, leurs âmes fusionnaient dans le même désir étouffé de l’union. Le silence dura quelques minutes, puis Guéméné prononça :

— La journée a été splendide…

Elle dit : « Oui », leva les yeux vers le pan de