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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/68

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princesses de science

son oreille, puis, se redressant, elle recouvrait la malade et s’éloignait ; ni l’une ni l’autre n’avait échangé une parole.

Mais, dès que l’interne pénétrait dans son laboratoire, le souvenir de Fernand Guéméné la hantait de nouveau. Elle le revoyait dans cette étroite pièce, haletant de passion et de tendresse, lui disant avec douceur des choses troublantes. Elle le revoyait sur le quai aux Fleurs, tentant pour la conquérir une concession dernière. Et elle méditait le programme de cette vie en partie double qu’il lui avait proposée : continuer ses études, n’abandonner qu’à demi ses projets, — poursuivre, en un mot, sa carrière aux côtés de cet homme si bon, se donner par amour, être aimée, demeurer une femme de science tout de même…

Ce matin-là, Herlinge, à la visite, diagnostiqua définitivement « une myocardite sans lésions valvulaires ». Thérèse triomphait : la veille, précisément, elle avait relevé des observations qui correspondaient à ce diagnostic, et elle le dit à son père.

Il y avait là vingt-cinq ou trente médecins venus pour assister à la leçon du maître, et parmi eux, très pâle sous ses bandeaux d’un noir bleu, avec ses longs sourcils sombres, sa robe de deuil irréprochablement coupée, la doctoresse Lancelevée qui demanda la permission d’ausculter la malade ; Thérèse lui tendit le stéthoscope. Les externes, en blouse blanche, entouraient le lit ; vers le pied