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princesses de science

— Cher maître, dit-elle après un instant de réflexion, mademoiselle Herlinge ne m’a pas demandé conseil lorsqu’elle a décidé de se marier. Elle a bien fait. Elle ne se serait pas rangée à mon avis.

— Oui, oui, je sais, fit Artout très amusé, le célibat des doctoresses, c’est votre religion, à vous !

— Non, pas ma religion, mais un principe extrêmement simple et rationnel, que je professe ouvertement devant toutes les jeunes étudiantes. Ouvertement aussi serais-je allée à l’encontre de mon principe, si j’avais assisté au mariage de l’une d’elles : c’est pourquoi je me suis abstenue. Je lui souhaite néanmoins tout le bonheur possible, sachant bien, hélas ! qu’elle ne le trouvera pas.

— Allons donc ! Ce sera une petite femme délicieuse.

Artout était un homme de soixante ans, puissant et rasé, au profil bourbonien, d’une majesté épiscopale.

Sa main de chirurgien, épaisse et large, mentait à toute la tradition professionnelle qui veut les doigts déliés et maigres ; mais elle avait une réputation établie de force et de maîtrise ; une sorte de légende l’entourait, et l’on songeait, en la voyant, aux opérations merveilleuses du grand homme, à ses coups de bistouri fameux dans l’Europe entière, à sa sûreté tranquille pour manier le scalpel au plein des organes vitaux, comme un