Page:Yver - Princesses de Science.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
85
princesses de science

artiste un crayon ferme. Toute sa valeur illustre était dans sa main, dans la vigueur calme de cette main de rustre, qui avait sauvé tant de vies humaines, et, d’un geste habituel, dans le noir du coupé, il la posait en parlant sur la pomme d’or de sa canne, comme un outil sacré qu’on respecte et qu’on soigne. D’ailleurs, il connaissait sa propre puissance, et cela était apparent dans ses attitudes, dans son port de tête. La supériorité dont il était conscient faisait que, parmi ses confrères moins fameux, il distinguait peu entre les hommes et les femmes. Il ne dédaignait pas de patronner Jeanne Adeline, comme il eût aidé un médecin chargé de famille ; il prisait le talent de madame Lancelevée ; pour Thérèse Herlinge, il l’avait poussée sans hésitation dans la carrière, persuadé qu’elle y tiendrait l’emploi avec autant d’honneur qu’un homme. Puis, Artout, célibataire, avait conservé pour les femmes, en général, cette sympathie légèrement sentimentale du vieux garçon, qui les recherche, les estime, s’illusionne même à leur égard, tourmenté d’un besoin inassouvi d’affections familiales.

— Mais oui, poursuivit-il devant le sourire persistant et froid de la doctoresse, je l’ai connue toute gosse, cette petite Herlinge : elle est débordante de vie, elle aimera son mari passionnément.

— Si elle l’avait aimé passionnément, mon cher maître, elle aurait, selon le désir qu’il en avait,