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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/96

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princesses de science

quitté sa profession pour lui complaire. Elle ne l’a pas fait ; elle s’est réservée en se mariant : donc elle ne s’est donnée qu’à demi, donc Guéméné ne lui suffisait pas… Je ne suis qu’une vieille fille rebelle à l’amour ; mais j’ai pensé et j’ai vu ; et je vous le dis : ce sont de vilains atouts que ces prémisses dans le jeu conjugal.

— Ta ra ta ta ! Vous parlez comme une salutiste, comme une vestale de marbre que vous êtes. La petite Herlinge ne se fût pas contentée de ce rôle, et, laissez-la faire, elle se tirera de celui qu’elle assume ce soir, tout en faisant un jeune médecin dont j’augure beaucoup, car elle a de l’étoffe.

— Avant cinq ans, déclara la sibylline personne, ce sera le divorce.

Elle dissimulait une sorte de joie intérieure à prononcer, en ce soir de noces, le mot sinistre. On eût dit qu’à s’imaginer la nuit d’amour s’apprêtant à cette heure dans la petite maison de l’île Saint-Louis, derrière les sèches ramures des peupliers d’Italie, avec le fleuve d’argent et de nacre noire coulant sous les fenêtres nuptiales, une inquiétude la troublait, elle qui s’était volontairement sevrée de tout mystère semblable.

— Alors, ma chère, il ne vous suffit pas de vous montrer impitoyable pour vos amoureux : vos belles confrères sont aussi frappées d’avance ?…

— Je fus, pour mes amoureux, plus pitoyable qu’il n’y parut, mon cher maître. La plupart sont consolés ; ils ne le seraient point de s’être enchaînés